… … … que dire? je vous le demande M’sieurs-dames? que dire? Sophie et moi, nous avons joué de mal chance sur ce coup-là. Le désert nous rend la vie dure et nous pousse gentiment à bout. La piste a décidé de ne plus faire aucun cadeau. Sable et bosse qui martyrisent nos fesses, il n’y a plus que cela. Le vent, quant à lui, souffle mais rarement dans notre dos. Non, il préfère nous en mettre plein la vue. Surtout de la poussière. Alors qu’est-ce qu’il nous reste? pas grand-chose… Un soutien mutuel, une pointe de courage et un zeste de volonté, pas grand-chose mais ce sera suffisant pour boucler la boucle piste et retombé sur l’asphalte.
Mais j’abrège un peu là. Non, il faut que je vous parle des orages. Car oui orage, il y a dans ce désert. et quand l’eau se met à tomber par hectolitre au mètre carré, le sable lui colle. Les vélos s’enfoncent, la route devient bourbier et les roulements se mettent à crier.
Non, non parlons plutôt des casses. Panada, mon fidèle compagnon à deux roues depuis le début de ce voyage, c’est-à-dire deux ans et plein de poussière (surtout ici), se fait vieux. Et les secousses ne lui font pas du bien. Le porte-bagages avant cède, deux fois… et l’arrière une. Les vieilles rustines de mes chambres à air se décollent, la cassette grince des dents… je continue?
non, je crois que je ferai mieux de parler de cette tempête de sable. Une belle tempête qui arrive évidemment au bon moment. Le moment où nous décidons de faire des heures supplémentaires et de rouler à la nuit tombée. Déjà, sur la piste, ce n’est pas le top, mais avec ce qui nous est tombé dessus, c’est devenu épique. Cela commence comme ça, un nuage au loin qui s’approche, mais vite, trop vite. Et puis l’air devient opaque et presque solide. Sophie est devant moi, à quelques mètres, mais je ne vois que la lumière de ma lampe sur ses réflecteurs. Nous crions, mais on ne s’entend pas. Une vingtaine de poids lourds roulent autour de nous, sur des bouts de piste, je crois… oui! c’est de cela que je vais vous parler! À un moment, tout bascule. Ma tête lâche et le corps roulent en automatique. J’ai du sable jusque dans la raie du cul, les yeux qui brûlent et les poumons pleins. Le vent crie dans mes oreilles et je me sens tellement… vivant! Je pousse, bataille, hurle… et je suis heureux parce que tout se résume là. À une tempête de sable. La vie me coule dans les veines, je la sens battre dans mes tempes. ça fait du bien, un bien fou! de savoir que l’on se bat pour une poignée de kilomètres, voire de mètres. de souffrir avec le sourire, de simplement se dire que l’on fait ce que l’on a choisi et que l’on va là où l’on veut aller. Que la vie n’est peut-être pas si compliquée. Cette vie qui s’exprime avec bruit autour de nous. j’aime cette vie, je l’ai déjà dit, je le redis, je le crie!
Et puis, à un moment, c’est fini. La piste, le vent, les orages, le sable… tout ça. Nous arrivons dans une ville, la route est asphaltée, la frontière est à côté et nous nous sommes un peu déboussolés. Cette piste, qui m’a fait suer, râler et presque pleurer… elle va nous manquer. Elle nous isolait du monde, elle nous présentait ses habitants, les lézards, serpents et autres antilopes. Elle nous berçait la nuit avec son chant venteux et son ciel magique. Elle nous permettait des rencontres insolites avec ces nomades qui vivent sur ses terres… elle nous à marqué, coups de soleil, égratignures, piqûres, mais surtout là, tout au fond, bien à l’intérieur de nos carcasses séchées. Et ces marques nous donnent le sourire et nous poussent vers d’autres amies à elle, espérons. d’autres routes ou endroits loin de tout…
Et pour finir en beauté, quelques images de ce désert dont je vous ai tant parlé.