Pour aller à Malatya réparer mon vélo, j’ai dû prendre le bus. Je dois l’avouer, je déteste ça, mais j’ai écrit ça dans mon carnet de route en rentrant:
« Je regarde ce vieux qui marche dehors. Pendant la pause repas du bus, il se dégourdit les jambes. Il fait des allers retours sur la terrasse du restaurant. Son visage, à peine éclairé par les néons de l’intérieur ; moi, derrière la vitre, devant un livre que j’ai abandonné et un çay qui refroidit, je suis hypnotisé par ce personnage. Il marche avec nonchalance, les mains dans le dos et le regard curieux sur le monde qui l’entoure. Il a l’attitude des gens sans soucis, simples et libres. Comme souvent les personne âgées qui ont eu une vie bien remplie. Lui, les soucis, il les a mis de coté. Ils arriveront bien en temps voulu alors pourquoi s’en préoccuper ?… En le regardant, je me dis sûrement pour la première fois de ma vie qu’il est bon de devenir un petit vieux…
Le bus, ce n’est pas vraiment un plaisir. Mais c’est néanmoins captivant. C’est voyager différemment et surtout partager un moment de vie avec des gens d’un autre monde. J’hérite de la place n°47, sur 47 places disponibles. Je suis donc tout à l’arrière, sur la banquette, collé à la fenêtre. Du coup, j’ai vue sur tout le bus. Celui-ci est plein. 47 personnes 2 femmes et 1 touriste… moi ! Et j’observe, j’analyse ce petit monde miniature, j’imagine et j’interprète ce que je vois. Cette femme et son bout’chou qui s’en va rejoindre l’homme de sa vie. Ces deux jeunes, aux regards pleins de défis, qui sont habillés et coiffés à la dernière mode. Ces quatre routiers de 100kg chacun et qui partagent la banquette du fond… avec moi. Ce prof de philo’ qui part enseigner à la frontière et qui me parle de Socrate et ses potes… Et malgré l’inconfort, le bruit et les secousses qui me collent contre mon voisin camionneur, je souris en regardant toutes ces scènes de vie.
Et je ressens un peu ce qu’un voyageur sac au dos peut ressentir. Le voyage, ce n’est pas seulement les visites et les étapes mais aussi les trajets. Un bon moyen pour comprendre un bout de la culture locale.
Un moment entre parenthèses dans ce voyage à vélo. Les 7heures de trajet et la tête du malabar d’à coté sur mon épaule m’auront amené quelque chose à prendre dans mon voyage. »