Attends voir si tu peux!

Durant ce voyage, j’ai eu droit à un « incident » administratif qui m’a littéralement mis des bâtons dans les roues durant plus d’un mois. Mais revenons un peu en arrière si vous le voulez bien.

Nous sommes le 18 septembre 2012 et me revoilà à Bichkek, capitale du Kirghizstan. Je suis de retour dans cette ville après une casse matériel de mon fier destrier. Mon visa pour la chine est valide jusqu’au 30 septembre et cela fait un peu court pour atteindre la frontière à vélo. Je repasse donc à l’agence qui m’avait obtenu facilement mon premier visa et demande s’il est possible d’en avoir un nouveau ? Après un rapide coup de fil à Mister l’ambassadeur (plutôt à sa secrétaire) on me répond :

– No problem !

Retour à l’hôtel le sourire aux lèvres et l’esprit tranquille… bien loin de douter que je m’apprête à entamer une partie périlleuse du jeu bien connu des voyageurs au long cours :

Attends voir si tu peux !

La partie commence le 24 septembre, lorsque je vais demander des nouvelles à l’agence.

Là, je pioche la carte « Administration, je t’aime, moi non plus ». Le visa, prévu le 3 octobre est annoncé pour le 17… le 17 ! 14 jours dans les dents… L’heure est aux négociations, je chouine, me plains, fais le pauvre voyageur sans solution. Ça fonctionne un peu près et on me répond de revenir le 3. En attendant, il est temps de jouer mon atout « Deux passeports » (un suisse et un italien, merci maman, merci papa) et je démarche pour obtenir un visa pour le Kazakhstan (pas franchement prévu au programme, mais la frontière est tout près) et une prolongation du visa kirghize.

Donc ! Le 3 retour à l’agence, mais me voilà sur la case « Perds cinq tours » (pas de nouvelles de l’ambassade). Revenez le 8 Monsieur. Le jour dit, j’ai droit à la carte « Je vous appelle dans la soirée » mais cela ne fonctionnera pas, évidemment. Et c’est finalement le 9 octobre que l’on m’annonce « Désolé Monsieur, retour à la case départ sans toucher le visa chinois ».

Motif : Vu que j’ai déjà eu un visa qui n’a pas été utilisé, Monsieur l’Ambassadeur de Grand Empire chinois ne verrait pas pourquoi il me ferait l’honneur de bénéficier d’un autre sésame, fin de citation.

Même joueur joue encore, mais cette fois depuis Almaty, Kazakhstan. De là, j’utilise la carte « Prudence » et la carte de crédit. La demande de visa, je la fais via une agence en Suisse, à Zurich. Du coup, j’écope de « 7 à 10 jours de pénalités » (d’attentes). Pour ne pas rester sur ma faim et parce que il y en a un peu marre d’attendre (quand même) je roule en direction de la frontière chinoise avec deux autres joueuses plus chanceuses que moi. Nous prenons la route à trois. Barbara et Sophie sont deux bernoises (Berne, capitale de la Suisse, hein!) et nous nous croisons ponctuellement depuis mon arrivée en Asie centrale. Nous traversons un bout de ce pays et de son désert à un rythme trop très soutenu et 5 jours plus tard, à 12h24 nous voilà devant la frontière chinoise. Argh…

Ces demoiselles, ayant leur sésame, me font leurs adieux. Moi, je confie ma bicyclette à la Dame Pipi du check-point et fonce, en taxi, récupérer mon passeport à Almaty.

Almaty et la "nouvelle" route de la soie

Panada (à droite) bien content d'avoir des compagnons de voyage

On vient de là...

... et on va là! (j'adore!)

Les filles... devant... comme souvent...

L’histoire aurait pu se terminer là, mais la chance n’étant décidément toujours pas avec moii, on m’informe que Monsieur le Consule du Grand Empire chinois à Zurich n’est vraiment pas pressé de me voir entrer dans son beau pays et la case « Perds 7 tours » s’ouvre sous mes pieds…

Une semaine à Almaty à essayer de garder les idées claires et la pensée positive. Mais je me pose vraiment la question :

– Est- ce que la Chine veut de moi ?

J’ai beau insister, je tombe dans tous les pièges de ce sport administratif qu’est la chasse au visa. Le moral vacille telle la marée. En haut, en bas… mais au fond de moi, une petite voie dit:

– Positive mon gars, tu n’es pas à une semaine près non plus…

Les jours passent et le 25 octobre, mon passeport arrive avec un autocollant plein de caractères chinois collé en page 22.

YES !

J’exulte, saute dans un taxi et en route pour la Chine ! Arrivé devant la frontière, point de Dame Pipi, point de monde, rien. Le vélo est enfermé dans une yourte, je le vois mais impossible peux pas l’atteindre. Arf ! C’est quoi ce gag?  le garde-frontière m’informe :

– Mais c’est l’Aid (fête religieuse musulmane) et la route pour la Chine est fermée pour 5 jours. On a fermé il y a juste une heure…

Une heure de retard et voilà  « 5 tours » de perdus…

Me voilà bloqué devant la frontière pour 5 jours, mais cela ne finira jamais ?

Non, cela ne finit pas, car j’écope de deux autres « pénalités » :

  1. « tu n’as pas d’équipement » Le vélo, la tente et toutes mes affaires sont enfermés à double tours
  2. « ton visa n’est plus valable » La douane ouvre le 31, mon visa kazakh est valable jusqu’au 30…

Le poste frontière et la lune qui va se coucher en Chine

Il est venu le temps de la récolte du maïs

La première nuit, je la passe dans un dortoir insalubre, pas chauffé pour un prix… je n’ai même pas envie d’en parler…

Au petit matin,  un type vient me voir. Il a les clés de la yourte et a le pouvoir de libérer ma fidèle monture. Et ce type va abuser de son pouvoir car il demande la coquette mais indécente somme de (tenez-vous bien) 100 dollars pour me rendre Panada !

– Ahahaha… bouhouhou…

S’en est trop! Je me révolte, crie au scandale, râle, gémit… un quart d’heure de jérémiades viennent à bout de mon bourreau, je retrouve mon vélo et pour pas un sous ! L’histoire ne me dira jamais si c’était du gras ou du mouton (on ne parle pas de cochon pendant une fête religieuse…) Maintenant, il reste 4 jours pour observer la frontière et faire germer le peu de pensées positives qu’il me reste…. 4jours… c’est long…

Et le 31 octobre 2012, le poste ouvre ses portes, je suis le premier avec trois autres cyclistes russes qui me feront toutes mes traductions. Premier contrôle, j’attends 3 heures… mais je passe. Deuxième contrôle, que 5 minutes d’attente, c’est tout bon ! Troisième et dernier contrôle, celui du timbre dans le passeport… là, ça se corse. Le douanier me fait comprendre que c’est impossible et qu’il faut retourner à Almaty, voir à Astana, la capitale… C’est le moment de jouer ma dernière carte, celle que j’avais gardé dans ma manche : « Déterminé et serein »… Même si tout mon corps boue de l’intérieur. Les gardes vont chercher le big chef, le boss de fin.

Une heure passe, je vois passer tous ces gens qui vont en Chine… j’y crois encore, j’essaye… Le général arrive. Un type à la mine renfrognée, deux mètres de haut, 1m50 de large, il avance vers moi d’un pas décidé. Il m’observe, me jauge, il veut savoir jusqu’où je suis prêt à aller. Mon regard lui fait que je suis prêt à aller très loin, très très loin. On se sert la main, fermement mais pas fort. Il me sourit, m’envoie une claque dans le dos qui me projette presque un mètre en avant et me dit :

-No Problem my friend ! Let’s go to China !

L’officier des passeports n’en croit pas ses oreilles, moi non plus. Je souris, j’ai gagné la partie. Mon passeport dans la poche, j’enfourche mon vélo et parcours le no man’s land qui me sépare du Grand Empire. Et enfin, voilà le drapeau rouge qui flotte au vent, la Chine est là… j’y suis…

Le 31 octobre 2012, on me dit : Welcome in China !

Et l’histoire s’arrête là… pour cette fois !

PS: pour ceux qui n’auraient pas vu, entendu ou oublié, les calendriers Allschoolproject 2013 sont disponible à la vente. cadeau de choix, souvenir sympa et utile, vous pouvez soutenir le projet grâce à son achat. Un grand merci à ceux qui ont déjà acheté leur exemplaire! Les calendriers ici.

Amicalement, Chris

Le campement avec les Russes

Ambiance cuisine de nuit avec les filles

Mon pote durant mes 5 jours d'attentes

8 Réponses à Attends voir si tu peux!

  • mélissa

    Félicitations !!!!!!!!!!!!! Tu es enfin passé, quelle joie !!! Bonne visite de la chine alors ! Que ce soit moins compliqué je l’espère ! J’ai hâte de te lire sur ce sujet !

  • Yalena

    je compatis à mort ! Bonne route à toi Chris et bravo pour ta pugnacité !

  • loic

    Mais cette histoire de fou! fait moi penser a ne jamais jouer au Monopoly avec toi!
    mange autant de baouze (raviolis chinois) que tu peux, au moins tu te seras pas donner autant de mal pour rien 😉

  • Laureline

    Ouf ! Galère les douanes … Je déconseille particulièrement Poipet pour faire Cambodge-Thailande …

    Sinon poru te remettre de tout cas, je te serre un pichet de leffe ?

  • Laureline

    Ouf ! Galère les douanes … Je déconseille particulièrement Poipet pour faire Cambodge-Thailande …

    Sinon pour te remettre de tout ça, je te serre un pichet de Leffe ?

  • classe de Mex

    Bonjour Chris,
    Ton histoire de Monopoly était très drôle, tu as gagné la partie finalement!!!
    Nous sommes très contents que tu sois en Chine parce qu’on a commencé à étudier ce pays. Dans notre classe, il y a Elodie qui est à moitié chinoise et à moitié vietnamienne et sa maman nous a appris à faire des rouleaux de printemps. On a commencé un livre super bien qui s’appelle « le voyage de Mao-Mi », ce n’est pas « le voyage de Chris »! On apprend des signes chinois pour écrire les nombres ou les couleurs ou des mots comme « feu » et « eau ». C’est super difficile… On a regardé comme la Suisse était petite par rapport à la Chine. Si tu nous donnes une adresse, on peut refaire des dessins de maisons suisses et te les envoyer. Est-ce que tu vas visiter un temple chinois? On aimerait bien que tu nous envoies une carte postale de Chine et on aimerait aussi voir des vidéos avec Jacqueline.
    Gros bisous,
    Les élèves de Mex

  • Premier mois chinois

    […] contact Attends voir si tu peux! […]

  • […] Deux semaines… c’est le temps que j’ai pris à Oulan-Bathor, capitale de la Mongolie, pour être fin prêt à rouler après l’opération de l’appendicite que j’ai subie en Russie. Deux semaines de repos mais aussi d’administratif. Un nouveau visa orne la page 34 de mon petit passeport rouge. Un visa chinois que j’ai eu du premier coup cette fois! […]

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