» Une religion est aussi vraie qu’une autre. »
Robert Burton
Extrait du carnet de route, dimanche 2 novembre 2014. Entre les séquoias et la Highway 1, Californie.
« La brume est aussi matinale que moi ce matin. Tout est emmitouflé d’ouate, c’est blanc, molletonné et humide. Il baigne dans l’air un parfum de pureté, d’au-delà. Peu à peu les forces divines se mettent en action et prennent d’assauts cette brume. Le soleil et le ciel bleu montent aux créneaux, mais la bataille traîne… Un peu comme moi ce matin… ça monte, c’est un peu le principe du jour. Alors, je prends mon temps vu que je n’ai que cela à disposition et j’observe le soleil se frayer un passage dans la brume. Et il y a des aires de cathédrales et de vitraux dans cette lutte. Les rayons passent le coton des nuages et ils s’étirent pour marquer leur territoire. Des rais de lumière apparaissent çà et là. Entre les arbres, sous les ponts, tout est très solennel en ce dimanche. Jour du seigneur et pas une église a des kilomètres à la ronde. Pas de souci, les rayons du soleil font de la route une cathédrale, je ferai de la journée une messe.
mes prières sont entendues! le ciel bleu occupe toute la voûte et le vent de dos me file des bénédictions afin de battre des records, Oui! Alléluia! Mais il me faut finir mon chemin de croix. Ça tire dans les jambes et Pale-Ipa use le petit plateau. Mais je garde la foi et je récit, telle des mantras quelques Avé Marie et des bénissez-moi, Dieu des cyclistes à chaque coup de pédale. En haut, tout en haut, plus près de toi seigneur, la messe est dite. Point de sang du Christ, point d’hostie, c’est la descente qui s’offre à moi. Gauches, droites, bien serrés, épingles à cheveux et pente raide, je chante des cantiques de plaisir à m’en casser la voix. La descente n’en finit pas et j’en veux encore. L’envie m’envahit et c’est en enfer que je vais finir à cette allure. Mais ce pécher n’est pas assez grand pour que je rejoigne Satan et la descente s’arrête au bord de mer à défaut d’enfer.
À cet instant, je déguste, la côte se découpe en face de moi, le vent me pousse. Tout cela a un goût de paradis. Des fermes s’alignent gentiment et les vaches ont vue sur la mer. Deux trois vergers de pommes font presque allure de jardins d’Éden.
Fin de journée, tout fut splendide! je fête cela en sacrifiant une quarantaine de gnocchis dans de la sauce tomate. J’inviterai bien Jésus et ses potes: Bouddha, Krishna, Allah, Jéhovah et les autres pour partager mon pain quotidien de ce soir et les remercier. Mais personne ne répond à mon invitation. Ces gars-là sont sûrement occupés ailleurs, alors je fais la conversation avec les étoiles. Les vagues font la musique d’ambiance. Et avant de fermer la tente, je remercie la lune, qui veille sur moi de son croissant bien gonflé. Puis je m’endors religieusement. Qui a dit que le vélo n’était pas une religion?
Amen »
Et joyeux Noël à tous!