Me voilà au tout début de la route qui va me mener au ciel. Objectif des prochains jours : atteindre le massif du Pamir et ses cols à plus de 4000 mètres d’altitude. Je quitte Kala-I-Khum direction Korog, la seule ville de la région. Je longe pour cela la rivière qui fait office de frontière avec l’Afghanistan. J’ai le temps d’observer ce pays qui fait régulièrement la une de nos médias. Les enfants afghans me font de grands signes de bienvenue et me chantent des chansons depuis l’autre côté. L’Afghanistan, une destination future pour moi ?
Je mange la piste toute la journée avec un certain plaisir. A chaque virage, je vois un nouveau sommet, un régal de rouler dans ce canyon. Mais quelque chose sonne faux. Pas mal de monde sur la route me disent que la route est fermée, qu’il y a des problèmes à Korog et que la guerre a éclatée… Du côté de la police, rien d’alarmant. La route est ouverte et personne n’a d’information. Plus j’avance et plus je ressens un malaise dans la région. Arrivé près au check point de Vanj, à 200km de Korog, je m’assure que tout est en ordre. La police me dit encore une fois :
-Road open, problem niet, problem niet !
A demi-rassuré, je vais manger une soupe dans le minuscule restaurant du point de contrôle. Là, je tombe sur une escouade de commando de l’armée tadjik. Des types équipés comme dans les films hollywoodiens. On partage un bout de pain et un morceau de ragoût. Ils me racontent leur dernière nuit. Des combats ont éclaté à 50km d’ici. Où je voulais passer la nuit… Pas de soucis pour un touriste il paraît, mais ils me déconseillent de passer par là…
Mais qu’est-ce qu’il se passe au juste ? C’est ça la question! Officiellement, le chef des renseignements généraux de la région à été tué, depuis des combats ont éclaté dans la ville de Korog et ses environs… Mais sur place, j’entends tout et son contraire. Les informations tombent et chacun rajoute sa petite touche personnalisée. Pas facile de savoir où je vais et ce qu’il se passe vraiment.
Et en réalité, les choses sont bien différentes… et les médias n’en parlent pas. Peut-être que les montagnes du Tadjikistan n’ont pas beaucoup d’intérêt pour les pays occidentaux ? Je dis cela, je dis rien…
Au milieu de ce check point, avec des militaires qui me disent que c’est vraiment risqué et les policiers qu’il n’y a aucun risque, je me pose pas mal de questions. L’arrivée de deux couples de cyclistes va changer la donne. Deux suisses allemands (Janine und Dominik) et deux espagnols. On fait un petit meeting avec des cartes, les locaux et les militaires. On cherche un itinéraire pour éviter la zone de conflit mais rien à faire, pas de solution. Et c’est donc retour à la case départ, Kala-I-Khum…
Là-bas, je retrouve Eleanor et deux autres couples de suisses (Allemand toujours!). Nous organisons, à contre-cœur, un convoi de jeep pour retourner à Dushanbe… Dans ma tête, cela a beaucoup cogité. Revenir en arrière est difficile, mais je crois que ce voyage me donne une certaine maturité. Rien ne sert de prendre des risques inutiles, surtout sans avoir d’informations stables. D’autres cyclistes ou touristes forceront les barrages ou passeront de nuit, mais pourquoi ? Pour aller voir une zone en guerre, pour ressentir une atmosphère crispée et tendue? Pour voir le désarroi et la tristesse des habitants ? Franchement, très peu pour moi. Je préfère mille fois passer par une route sûre et ne pas à avoir ces images dans la tête.
Ces événements datent de la fin juillet 2012, à l’heure actuelle, personne ne sait ce qu’il se passe vraiment dans la région. Après une première évacuation de tous les touristes de la zone, le gouvernement tadjik à réouvert la route pour la fermer deux jours plus tard. Bien triste situation…
Il me faut 5 jours, à Dushanbe, pour choisir ma route de sortie du Tadjikistan. Quelques très belles rencontres et un premier août (fête nationale suisse) fêté avec plus d’une dizaine de compatriotes helvétiques et un plat géant de spaghetti bolognaise me laisseront de bons souvenirs et m’aideront à tourner la page des Pamirs.
A nouveau sur la route, je réalise que je peux rouler n’importe où, il y aura toujours quelque chose à voir d’incroyable et toujours quelqu’un de spécial à rencontrer.
Merci pour ta vision des choses, c’est vrai que rien n’est jamais clair sur la situation réelle dans ces pays…
Pas de regret à avoir, comme tu dis tu continues ta route, et au moins tu t’es approché plus près que beaucoup d’autres, encore bravo et bonne continuation 🙂
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