Russie, épisode 4: Entre sueur et mal de fesses

Les 2100 km au taquet et les soirées sans fin à Chita ont laissé des traces… mon corps se révolte et chaque centimètre me demande de la volonté. Le printemps a à peine pris ses quartiers que l’été pointe le bout de son nez. La chaleur se fait sentir et je dégouline dans les montées. J’ai arrêté de rouler avec mes jambes et je fais tout avec ma tête. C’est la volonté que me fera avancer ou pas…

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Panada dans les nuages

La route est mauvaise, pleine de bosses et de trous, je sautille sur ma selle et mon postérieur gémit. Le vent quant à lui, a décidé de jouer avec mes nerfs. Quand je vais au sud, il souffle contre le nord et enfin quand je vais contre le nord, lui, change d’avis et revient au sud. Je hurle et lui demande pourquoi il n’arrive pas à être constant? C’est un petit combat que je dois avoir avec moi-même. Trouver la motivation, trouver la force d’avancer et ne pas craquer. Le moral est bon, je vais bien, c’est juste « difficile »… c’est le corps qui demande un peu de repos et ça se répercute sur tout. Alors pour ne plus penser à la fatigue, au béton plus qu’irrégulier et au vent qui me crie dans les oreilles, je trouve quelques solutions. Voici les secrets pour avancer:

1. La musique: ayant perdu mon baladeur en Iran, pas moyen d’écouter de la musique… Alors je ne l’écoute pas et je la chante! Entre les grands classiques que j’ai appris à l’école primaire (Champs Élysée, les portes du pénitencier, etc.), les chansons pour me donner du courage (surtout le petit cheval blanc dans le mauvais temps!) et mes propres compositions originales, je chante la moitié de la journée sur mon vélo. A tue-tête dans les descentes, en rythme dans les bouts de plat et dans ma tête en montant. Cela me donne la force et en cherchant les paroles, je pense moins à mon corps fatigué. Même le vent se calme lors de certains de mes solos. Et en plus, je fais rire les camionneurs qui me croisent et qui me voient avancer la bouche ouverte…
2. Les histoires: lorsque que j’ai épuisé mon répertoire, je m’invente des histoires. Pense à un récit que je connais et j’en invente la suite, imagine la vie des personnages secondaires, remets en doute la logique de l’auteur. Je me nourris beaucoup de mes lectures. Depuis la Chine, j’ai un livre électronique qui me permet d’avoir beaucoup de récits et d’histoires avec moi. Pratique et en roulant je me refais les récits lus la veille.
3. La mémoire: refaire le voyage, j’adore ça. Je tente de me remémorer un pays, une ville ou une étape. Les gens que j’ai rencontrés, les paysages ou des anecdotes, ça m’occupe un sacré moment et je réalise aussi le chemin parcouru depuis maintenant plus de 2 ans.
4. Penser à la maison: alors là, j’en vois beaucoup venir. « Mais penser à la maison va te faire déprimer, surtout quand cela est difficile! » Mais pas du tout. Je pense aux personnes importantes, ma famille, mes amis proches, imagine leur vie, quels changements?, qu’est-ce qu’ils font en ce moment? Je me remémore quelques souvenirs ou pense à mon retour et à nos retrouvailles, ça me donne toujours un nouveau souffle. Parce que je sais que tous mes proches pensent à moi et me poussent en avant. Après deux ans, cela n’est pas toujours facile de garder contacts mais chacun sait que je pense à lui comme ils pensent à moi. Et il n’y a pas meilleures sources de motivations et d’énergies.

Alors entre les petits lacs et les bouts de forêts, j’avance en chantant, je roule en me racontant des histoires, je revis mes kilomètres passés et je souris en pensant à ceux qui sont loin mais toujours dans mon cœur. Entre cela et cinq Snickers par jour, j’avance tranquillement malgré les obstacles.

 Et en 8 jours, me voilà à Ulan-ude. Dernière étape avant le lac Baïkal.