Russie, épisode 2: In to the Wild ou presque

Après une semaine de repos à Kabaravsk, il est temps de se mettre en route. Les jambes me démangent et Panada est impatient de retrouver l’asphalte. Les choses sérieuses commencent maintenant. Plus de 2100 km jusqu’à Chita, la prochaine ville… Un petit challenge que je suis prêt à relever, à 100 km par jour, cela fera 3 semaines au taquet. Pour le cycliste tranquille que je suis, c’est un effort mais rien d’impossible.

Parlons un peu de cette route, les kilomètres défilent, chacun avec son petit panneau bleu, qui me rappelle désespérément où j’en suis. 1, 12, 57, 289, 378, etc… Je compte les chiffres, fais des calculs, des pronostics et des prédictions, ça passe le temps… Et quand ma tête n’est pas remplie de ces nombres blancs sur fond bleu, je me perds dans ce paysage. Les premiers jours, j’ai droit aux prairies coupées de forêt comme le premier tronçon. Puis après quelques petites montagnes, c’est là les arbres qui prennent le pouvoir. Des boulots à perte de vue ensuite des mélèzes et autres camarades conifères. Et les boulots encore, après rebelote, sapins & Co… ainsi de suite. Un fait remarquable, à chaque mètre gagné, j’avance dans le printemps. Les herbes jaunies par le gel, redeviennent vertes, les fleurs font leur apparition, et les arbres prennent de plus en plus de couleur. Cela se fait très graduellement, au rythme de mon avancée et de la pluie qui tombe une fois par jour.

Petit panneau bleu...

Petit panneau bleu… encore 2000km

Avant d'entrée dans la forêt

Avant d’entrée dans la forêt

Dans la forêt, je campe où je peux

Dans la forêt, je campe où je peux

La route est parfaite, avec son béton lisse et neuf, elle me guide entre monts et vallées. Des virages par milliers me font tourner la tête et les collines me font suer réellement pour la première fois depuis l’hiver. La forêt purifie, ma tête est replongée dans les méandres de ses pensées. Je me retrouve…

Chaque nuit est magique, le campement est planté au son des oiseaux. Un coucou au loin souhaite la bienvenu, les moineaux et autres mésanges volent au-dessus de moi au rythme de leurs courses- poursuites et quand la nuit tombe, un volatile inconnu entame une sérénade qui dure généralement jusqu’au petit matin. Une berceuse après une longue journée. Certaines fois, une chouette ou un hibou accompagne le ménestrel nocturne pour le plus grand plaisir de mes oreilles.

Mais les oiseaux ne sont pas là que le soir, la journée ce sont les pies et les corbeaux qui crient à mon passage. Deux trois pigeons sont là aussi, mais plus discrets. Et quand un marais se trouve à côté de la route, je surprends des canards ou plus rarement des oies sauvages à tête rouge qui s’envolent en caquetant contre mon intrusion. Et que dire de cet aigle majestueux qui passera à moins de 2 mètres de ma tête lors d’un petit col dégagé. Il plane simplement de toute sa grandeur. J’admire ses plumes frissonner et ses yeux m’observer… je ne sais pas qui est le plus surpris des deux par cette rencontre.

Un peu de pluie...

Un peu de pluie…

Dès que le temps le permet, je fais tout sécher

Dès que le temps le permet, je fais tout sécher

Prise de vue en haut d'une antenne téléphonique. Je viens de là...

Prise de vue en haut d’une antenne téléphonique. Je viens de là…

...et je vais là bas

…et je vais là bas

!

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Les kilomètres se suivent inlassablement et je ne me lasse pas de ce paysage qui change à chaque virage. Entre la belle saison qui arrive, la pluie et les nuages qui défilent, les animaux que je surprends ou qui me surprennent et les petits villages, point de ravitaillement, la monotonie n’a pas le temps de s’installer. Tous les 100 ou 150 bornes, je peux refaire le plein de nourriture. C’est l’occasion de parler aux routiers qui partagent la route avec moi. Peu de circulation sur ce tronçon. Des camions qui traversent le pays ou les « transiteurs ». Ces pilotes qui viennent de Vladivostok avec des voitures d’occasion japonaises. Le volant à droite, il roule le plus vite pour rejoindre Irkoursk ou Novosibirsc. A chaque arrêt, c’est la même cérémonie. J’entre dans le café et on me demande où je vais puis d’où je viens. On parle de la route, de la coupe du monde de hockey (où la Suisse a fait des étincelles) et de la météo. Comme de vieux collègues qui se croisent à la pause- café. C’est l’esprit de la route et le respect de ceux qui en vive ou qui y vivent, je ne sais pas très bien où est la différence.

Après la forêt, c’est la steppe qui fait une incursion dans le trajet. Avec un vent en rafale comme j’ai rarement eu… Un petit texte est dédié à la puissance d’Éole dans les dernières statistiques (voir 700 jours).

La route

La route

Des bikers russes qui m'offrent une belle plaque de choc!

Des bikers russes qui m’offrent une belle plaque de choc!

Une autre route, celle-ci va au bout du monde, vraiment!

Une autre route, celle-ci va au bout du monde, vraiment!

La steppe, son ciel et son vent

La steppe, son ciel et son vent

Un garçon dans le vent (ou pas!)

Un garçon dans le vent (ou pas!)

Et ce moment où j’étais presque seul au monde doit prendre fin. La route se fait plus mauvaise, comme si elle rechignait à arriver près d’une ville. Les voitures prennent plus de place, les gens se font plus pressés et les montagnes me donnent un dernier challenge. La fin est proche et la douche et le repos se font désirer. Je roule, roule roule. 3 cols, 2 orages de grêle, 1 vent de face et 160 km en 10h. Dernière étape et me voilà à Chita. J’avais parié sur 21 jours au mieux, j’en ai fait 19…

Le printemps arrive!

Le printemps arrive!

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Petit instant de rédaction

Petit instant de rédaction

29'000km à 29 ans, que demander de plus?

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