« Les orages, la brume, la neige, quelques fois ça t’embêtera. Pense alors à tous ceux qui ont connu ça avant toi, et dis-toi simplement: ce que d’autres ont réussi, on peut toujours le réussir »
Terre des hommes, Antoine de Saint-Exupéry
Après les gens qui m’ont réchauffé le cœur et les paysages qui m’ont piqué les yeux parlons du troisième larron de cette traverser de l’Utah: Le froid.
Pour vous mettre dans l’ambiance quelques situations où je me suis dit que je serai bien retourné dans un pays chaud où l’hiver n’existe pas.
Rouler par grand froid. Quand la température est de 10° en dessous de 0, il faut s’équiper. Gants de ski, polaire, sous-vêtements thermiques, cache-nez, doubles chaussettes, etc. Avec toute cette panoplie, pas de souci quand c’est plat. Mais s’il y a une chose qui ne définie pas l’Utah, c’est bien le plat! Et dès que ça monte, le bonheur de voir son corps créer de la chaleur cède très vite à l’irritation de sentir la transpiration couler dans le dos. Il faut s’arrêter, enlever une couche, attendre que le corps se réchauffe, ne pas trop pousser car la transpiration revient. S’arrêter pour enlever une couche, etc… Mais le pire avec les températures glaciales ce sont les descentes. Les doigts et les pieds souffrent et c’est en serrant les dents et en grelottant que cela se fait.
Et sous la tente c’est encore une autre histoire… Deux sacs couchages sont justes suffisants pour me garder au chaud et le matin, au réveil, mon souffle crée du givre qui me tombe sur le bout du nez. Le sac couchage est gelé et craque quand je bouge. Les bouteilles sont des blocs de glace et sans Thermos, je n’aurai que la neige dehors pour m’hydrater. Le plus dur, c’est de démonter la tente. Les doigts gèlent, les pieds piquent et quand enfin je remonte sur le vélo et que le corps se réchauffe et que le sang chaud vient battre dans mes extrémités, c’est là que je passe le plus mauvais quart d’heure de la journée. La débattu, quand les mains et les pieds se réchauffent d’un coup. Une sensation un peu terrible quand le bout des doigts et des orteils semblent prendre feu de l’intérieur. Et par ce froid, certaines fois, cela dure une demi-heure…
vous en voulez encore ? La neige balayée par le vent qui vous griffe le visage, les réparations à mains nues sur le métal gelé par -15°, le sel de la route sur la peau et dans les yeux quand les camions passent à quelques centimètres de moi, les plaques de glace qui font de mon vélo un équilibriste très peu sûr de lui…
Alors pourquoi n’avoir pas bifurqué sur le Sud et être resté dans des températures clémentes ? Pourquoi m’échiner à pousser au dépassement et collectionner les difficultés ?
Mon pote Antoine que je lis enfoui dans mon sac couchage me raconte : « Ceux qui l’ont goûté une fois n’oublient pas cette nourriture. N’est-ce pas, mes camarades ? Et il ne s’agit pas de vivre dangereusement. Cette formule est prétentieuse. Les toréadors ne me plaisent guère. Ce n’est pas le danger que j’aime. Je sais ce que j’aime. C’est la vie. »
Donc en trois mots :
Ressentir
De loin, je ne suis pas une tête brûlée. Chaque chose, chaque pas est calculé, anticipé. Je suis équipé, connecté et si j’ai le moindre problème, la route me fournira toute l’aide dont j’ai besoin. Non, je ne veux pas être un héros, j’ai juste envie de me sentir encore plus vivant. Sentir mon corps en entier, mettre ses idées au clair quand l’envie de chaleur m’envahit et réagir vite et bien pour ne pas empirer les choses lors de casses ou de problème, c’est une manière de sentir la vie couler. Concrètement, le corps est tendu à l’extrême, prêt pour l’action. Chaque bourrasque est ressentie à puissance mille. Chaque goutte de sueur est localisée à la perfection et quand le premier rayon de soleil me frappe le visage le matin, c’est un retour aux origines, une chose si simple qui apporte tellement de bien-être. Ressentir la vie.
Apprendre
Un pneu crevé, un arceau de tente qui vole en éclats, un matelas de sol trouer quand je dors dans 20 cm de neige fraîche et pas d’eau liquide dans une zone sans neige. Autant de situations qui exigent de la réflexion, de la concentration et de la réaction. Une erreur apporte un raisonnement qui prépare une anticipation pour le futur. Et des erreurs, il y en a eu mais pas seulement. Il y a aussi ces moments quand je roule et où j’ai le temps de penser à comment je vais pouvoir améliorer ceci ou cela. Et quand je trouve une technique qui me fait gagner un à deux degrés la nuit, c’est une petite victoire. Tout mon esprit est braqué sur ces améliorations et sur les réactions à l’adversité de l’hiver. Et à chaque fois j’apprends un peu plus sur cette vie.
Savourer
La route est vide de circulation, personne ne roule par ce temps de chien, du coup, je profite, slalome, chante, sprinte, glisse, m’éclate ! C’est un des petits bonheurs des conditions difficiles, personne n’en veut donc je les prends toutes rien que pour moi. Et que dire de ce ciel limpide la nuit, quand je sors pour une envie pressante et que je vois la voie lactée se dérouler en dessus de ma tête et de mon bonnet ? J’éclate de rire et hurle simplement. Et les parcs, laissé à l’abandon par les touristes ! Mais le mieux, ce sont ces petites victoires. Ce col à presque 3000m et qui m’a donné du fil à retordre… mais une fois en haut, le goût du dépassement de soi et d’avoir accompli quelque chose est fabuleux. Ou quand je surprends les animaux dans ce froid glacial, que nous nous observons et que nous nous demandons qui est le plus surpris de voir l’autre ici. Un moment qui se fige, une étincelle dans le temps. Ou encore ce silence de montagne, où rien, rien ne fait du bruit, lorsque tout est calme et que ce n’est pas oppressant. Mais le meilleur, c’est le soir, bien au chaud dans mes deux sacs de couchage et que j’écris le récit de ma journée. Tout ce qui s’est passé, tout ce que j’ai ressenti et appris. Point par point, avec la satisfaction de l’effort accompli dans la recherche de soi-même. Et c’est toujours avec le sourire aux lèvres que je m’endors, heureux d’avoir vécu et attendant impatiemment le lever du jour pour vivre à nouveau.
Quel magnifique article!!!pleins de bisous
Merci Carole! à Bientôt!
Avoue que c’est que du bonheur 😉
Tu as tout compris Amandine!
Ouah cet article me laisse sans voie… je suis très admirative de ta persévérance, tu ne baisses jamais les bras.
des bisous plein de chaleur
Really enjoyed this post. Really thank you! Keep writing. Kyrstin Dorey Michell
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